vendredi 15 février 2019

LA MISE EN OEUVRE DU CHANGEMENT




Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de mener une action dans un service particulièrement sclérosé. J’ai tenté d'expliquer les principes de l’amélioration continue pour le sortir de son état de torpeur. C’est alors que j’ai découvert que même dans une organisation sclérosée, il existe une culture d’entreprise, certes néfaste à l’ensemble mais puissante, et capable de s’opposer à toute velléité de changement.

La culture d’entreprise peut être définie comme la somme des habitudes de travail des individus au sein d'une organisation. La culture est souvent invisible pour les membres du groupe c’est " la façon dont nous faisons les choses ici ".

La culture d’entreprise, ensemble de coutumes et de pratiques, génère une inertie incroyable et absolue.

L’inertie culturelle est comme un corps en mouvement qui tente de rester en mouvement, toujours dans la même direction alors qu’il est attiré par des forces extérieures vers une autre direction.

Habitudes et pratiques traditionnelles ont la vie dure, continuent d’exister malgré les changements opérés dans leur environnement et  l’émergence de nouvelles pratiques.


Shigeo SHINGO disait : " Amélioration veut dire faire quelque chose qu'on a jamais fait."

La difficulté de mise en œuvre du changement réside dans la peur, l’angoisse d’abandonner les habitudes qui rassurent, apportent une sorte de confort dans la routine. Il est donc très difficile d’abandonner les veilles habitudes, de changer, de rentrer dans un processus d’amélioration continue. D’autant plus que comme le feu qu'on pense éteint, elles couvent puis redémarrent de plus belle.

Base de travail possible :

1 Créer, profiter d’une situation, d’un événement qui va autoriser, permettre, faciliter, légitimer l’engagement d’un processus de changement, d’amélioration, stopper les habitudes.

2. Mettre en oeuvre les nouveaux processus,  le "chantier" d'amélioration, le changement.

3. Stabiliser le nouveau système en établissant de nouvelles procédures, de nouveaux modes opératoires. Standardiser, établir de nouvelles règles, pour la circulation de l’information, pour faire participer les personnels…

Appliquer ce modèle en continu à tous les niveaux de responsabilités pour éviter que les changements opérés deviennent à leur tour de vieilles habitudes…


dimanche 20 janvier 2019

LA QUALITÉ : UNE ARME A DOUBLE TRANCHANT ?


Appliquer la Qualité au quotidien  n'est pas une chose simple à appréhender. Souvent les habitudes (mauvaises) sont tellement ancrées que l'entreprise éprouve des difficultés majeures à évoluer et à tendre vers l'amélioration continue de son fonctionnement. 

Certaines vont même jusqu'à faire cohabiter 2 systèmes en générant ce que nous appellerons "la qualité fantôme" qui "vit sa vie" en parallèle avec le fonctionnement courant de l'entreprise. Pourtant les entités qui choisissent la voie de la Qualité possèdent de nombreux atouts et ont un fonctionnement tout à fait opérationnel, des acteurs concernés par ce qu'ils font, et des résultats honorables. 

Pourquoi alors de telles entreprises éprouvent des difficultés dans l'application quotidienne des principes de la Qualité ? Qu'est-ce qui fait que la Qualité devient pesante au point d'être rejetée ou appliquée juste au travers les contraintes d'un référentiel ? Pourquoi la Qualité peut se révéler être une arme à double tranchant ?

Voici quelques réflexions  :

1]  LES CHAMPIONS.
Pour qu'une entreprise décide de mettre en place une  démarche Qualité, il faut le plus souvent que ses résultats soient bons, la Qualité devant en principe les rendre encore meilleurs. 
Les "champions" de l'entreprise ont largement contribué à l'obtention de ces bons résultats en mettant en place un système qui a fait ses preuves et logiquement ne sont pas prêts à le sacrifier sur l'autel de la Qualité. Intelligents, dans le meilleur des cas, ils sont prêts à écouter ce qu'on leur propose : "on verra bien". De toutes façons, ils connaissent et personne ne va leur apprendre leur métier...
Il va s'agir de les convaincre et pour ce faire il n'y a qu'un moyen (à ma connaissance), les associer et expliquer que "leur" fonctionnement va servir de base, de levier à la mise en place de la Qualité. 
Le but n'est pas de faire d'eux des qualiticiens, mais de progressivement leur expliquer que "le groupe solidaire vaut mieux que le champion solitaire". 
Pour mobiliser les "champions" dans une démarche Qualité, bon nombre d'entreprises utilisent la technique de la carotte qui fonctionne toujours au travers de la certification.

2] LA CERTIFICATION
Obtenir le sésame, la reconnaissance, la quête du Graal ! Prête à tout pour l'obtenir l'entreprise en arrive même à ignorer les principes de la Qualité, l'important est d'être en conformité avec le référentiel, on aura toujours le temps de comprendre le fond plus tard. Le net fourmille d'exemples de ce qu'il faut faire pour satisfaire le responsable d'audit. Ce phénomène présenté ici de manière caricaturale tend de plus en plus à voir le jour et fait l'objet de nombreuses demandes auprès des consultants. 
Il s'agit d'être certifié vite fait bien fait. Et c'est là que commencent les soucis et que "la Qualité fantôme" se met en place. En effet l'objectif n'est plus de s'améliorer en continu, mais de prouver à qui le veut que le référentiel est en place. Bien évidemment, dans ce contexte, peu de champions suivent cette voie, en phase avec leur entreprise, ils ne font rien pour contrer le projet, et jouent le jeu de la certification. Personne ne veut être celui qui aura eu un écart dans son service. Ils continuent donc à travailler comme ils savent le faire et montent leur "usine à gaz" certification, même si cela leur prend du temps et de l'énergie. Il faut être prêt pour l'audit et de toutes façons, le responsable qualité nous dira ce qu'il faut faire.

La certification peut donc se révéler comme un bien mauvais allié pour mettre en place la Qualité dans une entreprise.

3]  LE RESPONSABLE QUALITÉ
Récemment j'ai eu l'occasion d'intervenir dans une entreprise où le responsable Qualité se trouvait à la tête d'un système parallèle, il travaillait seul, ou de temps en temps avec le patron,  celui-ci  beaucoup trop occupé à faire tourner son système. 
Il avait écrit processus et procédures, mis en place ses petits indicateurs qu'il mettait à jour manuellement, collectait toutes les semaines les enregistrements relatifs à la qualité qu'il rangeait bien consciencieusement dans des classeurs, et traitait tout seul comme un grand les petits problèmes pour satisfaire comme  il se doit les actions correctives et préventives... Les audits internes n'étaient pas réalisés, aucun mode opératoire écrit, l'analyse des données inexistante de même que la revue de direction, et pour cause...
Evidemment, dans ce contexte, "les champions", la hiérarchie intermédiaire, les personnels subissaient la Qualité et chacun faisait des choses pour la certification et voyait en ma personne celui qui allait alléger voir supprimer les charges inhérentes à la Qualité... Après quelques semaines de travail, mon seul succès a été de réussir à faire participer l'ensemble des acteurs à une réunion d'analyse des données, et à leur faire comprendre les finalités de la Qualité. Mince résultat je vous l'accorde car le mal était profond. 

In fine tout le monde était d'accord avec mon analyse et trouvait la Qualité géniale en soi, mais l'audit de renouvellement approchait et chacun est donc reparti individuellement travailler son "rôle" pour préparer l'audit sous la baguette du responsable qualité...


4]  LES OPÉRATIONNELS
Il faut se garder d’intellectualiser la démarche. La Qualité est une démarche terrain par excellence, tout se passe sur le GEMBA  c’est à dire l’endroit où se crée la valeur ajoutée, où les problèmes apparaissent, où le client obtient sa satisfaction.

Les opérationnels doivent être considérés comme des vigies susceptibles d’attirer l’attention sur les problèmes, les dysfonctionnements avérés ou latents.

A ce titre ils doivent être associés à tous les stades de mise en œuvre de la démarche et être écoutés lorsqu’ils prennent la peine de faire remonter des informations.

Les principes de la Qualité permettent d’obtenir des résultats « extraordinaires » avec des collaborateurs « ordinaires » encore faut-il les considérer comme acteurs à part entière et leur donner les moyens de participer, faute de quoi eux aussi à leur niveau feront ce qu’ils ont à faire pour honorer leur contrat salarial mais pas plus.

Tout est question de valorisation et de considération : « plus ils sont valorisés et considérés, plus ils sont intelligents ».


5] LES OUTILS DE LA QUALITÉ
On parle bien d’outils pas de méthodes.
Les outils quels qu’ils soient doivent être utilisés pour ce qu’ils sont, des moyens au service de l’amélioration continue. C’est la raison pour laquelle aucun formalisme ne doit venir entraver leur utilisation et en aucun cas il s’agit d’être contraint par leurs règles théoriques. Seuls les résultats comptent les moyens  pour y parvenir importent peu.
Il en va de même pour la documentation qualité, au moins je crée de documents qualité, au mieux le système se porte. Les documents en place dans l’entreprise doivent être privilégiés et leur mise en page ne nécessite aucune spécificité,
Le fond prévaut toujours sur la forme.

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En conclusion, on peut dire que la Qualité peut si on n’y prend garde être une arme à double tranchant. Mal mise en place ou utilisée pour atteindre un but particulier, comme la certification, elle peut alourdir de façon insidieuse le fonctionnement de l’entreprise en créant un système parallèle alimenté par des actions qui n’apportent aucune valeur ajoutée et la décrédibilisent donc aux yeux des acteurs.

Pour éviter ces inconvénients il ne faut jamais s’écarter du terrain et toujours y revenir pour comprendre la façon dont les directives sont perçues, comprises et appliquées, et surtout pour toujours garder le contact avec la réalité et donc pouvoir satisfaire au mieux les besoins des clients.  

Dès lors le mot Qualité prendra toute sa valeur pour l’ensemble des acteurs et ne sera plus synonyme de charges ou de travaux supplémentaires. 


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